Je ne compte plus le nombre de débats que j’ai eu avec des amis, des connaissances, des membres de ma famille, sur le sujet de l’état socio-économique du Cameroun, et du (non)gouvernement de notre cher pays.
A plusieurs reprises, on m’a dit « vous qui blâmez Paul Biya pour tout ce qui va mal, qu’avez-vous fait pour votre pays ? Qu’est-ce que les Camerounais font pour leurs pays avant d’attendre quelque chose de leur président » et moi à chaque fois, je reste bouché bée devant ce genre de questions, car pour moi, le débat n’est pas là.
D’après mon observation et mon avis personnel, le peuple Camerounais est un peuple apeuré, livré à lui-même, qui vit et subit tellement de d’injustice qu’il préfère en rire plutôt que de se plaindre. Se plaindre ? Mais se plaindre de quoi, à qui, comment ?
Nous parlons d’un pays où l’on peut difficilement faire confiance au système de santé, au système de transport, au système sécuritaire, au système sanitaire. Chaque Camerounais est garant de ces choses-là, me direz-vous ! Eh bien, je ne connais pas et ne peux pas m’adresser efficacement à chaque Camerounais. Chaque Camerounais n’a pas pour mission de veiller à ce que notre pays fonctionne correctement. C’est bien pour cela que nous avons un gouvernement, des hommes et des femmes, qui ont pour mission, au sein de leurs mairies, de leurs ministères, de leur présidence, de veiller au bon fonctionnement et à l’évolution sociale, économique, structurelle, politique du Cameroun. Le rôle des autres citoyens est de choisir les bonnes personnes pour accomplir ce travail, et leur faciliter la tâche en faisant leur part. Je le reconnais, ce n’est pas toujours le cas. Mais une fois de plus, je préfère me concentrer sur ce que j’ai le pouvoir de changer en tant que citoyen(ne).
Comment expliquer ce silence aussi lourd qu’il devient assourdissant, face à ce qui est appelé « le problème anglophone » de la part de nos dirigeants ? Je ne saurais même pas dire avec certitude ce qui se passe, car une fois de plus, au Cameroun, il est si difficile de faire confiance aux informations qui nous sont données ou que l’on trouve, même via des médias dits d’information.
Je suis attristée, lorsque j’observe de nombreuses personnes donner une autre tournure à cette situation, lorsque je lis des messages du type « ils nous font chier ces ambazoniens, à grever sans cesse, laissez-nous vivre » ou du genre « les francophone sont hypocrites et méchants, nous devons les tuer sinon ils nous tueront avant ». Ça m’attriste parce qu’au fond, je veux encore croire que la majorité des Camerounais ne sont pas de cet avis, la majorité des Camerounais comprennent le(s) réel(s) problème(s) qui est (sont) à l‘origine de ces manifestations, et la majorité des Camerounais désirent rester unis, vivre en paix et pouvoir faire confiance à son gouvernement pour le gouverner avec honnêteté et droiture.
Comment explique-t-on que des hommes et femmes soient emprisonnés et menacés de la peine de mort pour avoir manifesté leur mécontentement au vu de la situation qui est la leur ? Comment explique-t-on que les forces de l’ordre qui ont juré de nous protéger deviennent nos assaillants à partir du moment où on veut faire entendre nos voix ? Comment expliquer que ceux qui ont juré et promis de nous servir ignorent complètement et impunément les souffrances, les colères, les larmes et les peines de tous ces Camerounais qui au final ne demandent qu’à être considéré comme tel : des Camerounais à part entière et égale, ce qui leur revient de droit.
Je ne pense pas que nous soyons vraiment un pays de paix, comme nous avons l’habitude de le clamer. Je pense surtout que nous faisons partie d’une génération qui n’a jamais connu le changement, et donc qui n’y croit plus, à force de l’attendre en vain. Alors nous nous sommes résignés, à accepter la situation telle quelle, et à nous battre chacun, individuellement ou collectivement, à la rendre (la situation) plus « supportable ». J’admire les efforts que j’observe tous les jours à l’initiative de jeunes Camerounais, qui ne rêvent que de faire évoluer les choses, en mettant leurs savoir-faire, leurs passions et leur motivation au profit de tous. Mais je suis persuadée qu’on pourrait faire et avoir tellement plus, à ressources égales… Je suis persuadée qu’on pourrait avoir des infrastructures de meilleure qualité, des routes plus praticables, de meilleurs conditions d’éducation, de meilleures écoles, une meilleure valorisation de nos cultures, plus d’emplois, des hôpitaux et médecins plus fiables, un système carcéral plus digne, et j’en passe.
Je suis déçue et désabusée de la façon dont les choses sont gérées dans mon pays. Je le suis depuis un bon moment. Je pourrais passer à l’action, mais je l’avoue, je ne suis pas assez courageux (se), donc je ne peux qu’encourager et applaudir ceux qui ont le courage de descendre dans la rue et faire entendre leurs voix, malgré qu’on leur interdise le droit de protester. Je continue quand même de croire qu’un beau jour, beaucoup de choses iront mieux. Donc je vais faire ce que je peux faire : dénoncer, débattre, m’informer, informer les autres, et voter.
Ms.
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