Un verre. Un deuxième. Un troisième. Un
quatrième. Un énième, je ne sais plus à combien j’en suis. Non non je suis bel
et bien sobre, c’est juste que je ne tiens pas un carnet où je note tout ce que
je consomme. Qui suis-je ? Un jeune de douala bien sûr. Je crois que j’ai un peu d’argent. Du moins je
crois que mes parents en ont un peu. En fait comme les verres, je ne compte
pas. Et puis c’est quoi ces questions ? Je t’en pose moi des
questions ?
En France, le découvert est la solution de nombreux
étudiants originaires d’Afrique et des Jeunes
Cadres Dynamiques. Ici au pays, les jeunes, en tout cas ceux que je côtoie,
tirent souvent leur « argent » de leurs parents. Les verres que
compte le jeune homme en intro ? Ce sont des verres d’alcool bien sûr.
L’alcool ? La bouteille est au moins à 40 000 FCFA ici, soit
l’équivalent du salaire de nombreux de nos vigiles, nourrices, femmes de
ménage.
Ca fait bizarre de se mettre en témoin de sa propre vie et
de se dire qu’on peut claquer en une soirée ce que d’autres transpirent en un
mois. Vous me direz, si on ne l’a pas volé pourquoi s’en priver ? Après
tout, c’est aussi la sueur du front de nos parents qui eux ont transpiré pour
qu’on ne manque de rien alors pourquoi avoir des états d’âme ?
Voyez-vous, c’est le genre de questions que je me pose
souvent, et qui me posent souvent quelques problèmes de conscience. Pourtant je
ne suis pas la pire. D’ailleurs s’il y a un adjectif qu’on pourrait utiliser
pour me décrire c’est bien « bénévole ». En plus, tant que je peux,
je dépanne ceux qui en ont besoin, alors où est le mal ?
Le mal n’est nulle part. C’est juste qu’à ce moment très
particulier de ma vie (dans 16 mois si Dieu veut j’entrerai pour de bon dans
une entreprise) où je dépends encore de ma mère mais que j’entrevois déjà
clairement ce moment où ce ne sera plus le cas, je me pose des questions un peu
existentielles comme les précédentes. De plus, en grandissant, on se rend
encore plus compte du décalage de niveau de vie entre nous et l’autre.
En France, il y a les allocations de ci et de ça, et puis
comme je disais plus haut, il y a les découverts, donc au final le « besoin »
ne se lit pas forcément sur les visages. Sortir du travail et écouter les
doléances du vigile qui voudrait commencer son service de nuit un peu plus
tard, puisqu’il a des vues pour un travail de jour ailleurs. Entrer en boîte de
nuit et écouter le fameux « grande-sœur » des enfants de la rue qui
attendent le dépannage.
Ce sont autant de choses avec lesquelles j’ai un peu de mal.
C’est assez aisé pour moi de dire où je me vois dans tel nombre d’années. Pour
le vigile et l’enfant de la rue, je doute que ce soit le cas. Que faire ?
Je ne vais pas non plus aider la terre entière, après tout ce n’est même pas
mon argent, c’est l’argent que maman veut bien me donner.
Et puis qu’ai-je fait pour mériter cet argent ?
Pourquoi le dépenser, et de manière si bête que les soirées ?
Non je ne vais pas en boîte de nuit si souvent que ça au
Cameroun et même quand j’y vais, ma sœur m’invite (c’est de l’argent qu’elle
gagne, elle peut bien en faire ce qu’elle veut). Me justifier ? Non je ne
me justifie pas mais j’avoue que je ne suis pas du genre à « brûler »
l’argent. D’ailleurs j’ai toujours regardé d’un œil douteux mes amis au collège
qui mettaient des dizaines de milliers de Francs CFA sur les tables pour je ne
sais plus trop quoi. La reconnaissance ? Le pouvoir ? Vraiment je ne
sais plus.
En grandissant, je me rends compte que je ne manque
strictement de rien, bien au contraire. Je ne dirais pas que je vis dans
l’abondance, en tout cas pas tant que mon nom ne figurera pas dans le
classement Forbes. C’est juste que mes parents ont travaillé d’arrache-pied, et
avec une mère comme la mienne, qui a pratiquement plus de la moitié de sa vie
dans le social, je ne peux pas considérer l’argent comme un acquis mais bien
comme un moyen.
D’ailleurs j’aspire à BIEN gagner ma vie, pour que mes
enfants demain n’aient à manquer de rien bien sûr, mais aussi pour pouvoir
aider, entreprendre, œuvrer pour les autres.
Du son à fond dans les
oreilles. Peut-être que je perds petit à petit mon sens de l’ouïe ?
Quoiqu’il en soit toute la semaine prochaine je dois sortir. La vie c’est
quoi ? Il faut dépenser, il faut consommer, il faut manger la vie !
Même s’il faut taper dans le découvert, même s’il faut aller gratter le
daron.
This is all about spending money (we don’t
always have)….
Ma mère dit toujours "j'ai travaillé pour que vous n'ayez pas à souffrir".
RépondreSupprimerje n'irai pas dépenser pour des choses que je n'ai pas mais je ne vois pas pourquoi je devrais me priver.
Mon père dit aussi souvent "tu vas à l'école pour gagner ta vie et maintenir sinon améliorer la vie qu'on t'a donnée"
L'argent, l'argent, l'argent... C'est quand je n'en ai pas ici en France que je me rends compte qu'on ne peut résolument rien faire sans.