Un billet nommé identité

Ewonbè de Dora Decca commence et j’ai une seule pensée…

Ma mère m’a fait grandir dans un beau pays.

Si jamais elle avait choisi de nous élever ailleurs, auprès de personnes d’autres couleurs, je me serais surement demandée « pourquoi ? »

Mais je n’ai pas à me poser cette question. J’ai vécu 16 longues et belles années dans le pays de Manu Dibango, de la famille Decca, de Petit Pays.

J’ai lu un article qui disait que la vingtaine c’était la période de la vie pendant laquelle on apprenait à savoir qui on est. De l’importance de l’identité…

6 ans après mon arrivée en terre gauloise, je sais que je suis camerounaise. Je suis fière d’être camerounaise de cœur et de papier. Je suis fière d’avoir grandi là-bas et j’espère que durant les derniers jours de ma vie, j’y serai.

Mais si j’étais née ailleurs, si j’avais grandi ailleurs ?

Je pense à tous ces français « d’origine » qui aiment profondément la France, qui aiment profondément ce pays qui leur a tant donné et à qui ils voudraient tant donner. Je pense à ces français d’origine qui sont fiers de représenter le drapeau tricolore partout où ils vont, et qui pourtant, appartiennent à une communauté, ou une religion pointée du doigt.

Que voit-on dans la glace ?
Se sent-on vraiment « frères » de tous ceux qui comme nous ont le passeport bordeaux ?
Si oui, comment expliquer que ces frères voudraient nous voir ailleurs, dans un ailleurs inconnu par eux et souvent par nous ?

Joseph vendu par ses frères. Le génocide rwandais. Tant d’histoires de frères qui s’entretuent. Ca semble loin, distant, et pourtant…

Est-ce que les cœurs ont jamais ressenti autant de haine ?

Et moi je suis là. Ni de souche, ni d’origine, et je les regarde. Je les regarde essayer de s’aimer malgré tout, et je les regarde, finissant par se détester et s’éloigner. Je les regarde, impuissante, et triste. Parce que comme eux, cette France je l’aime. Cette France a permis de façonner la personne que je suis aujourd’hui et pourtant, je suis bien heureuse de ne pas faire partie des leurs.

Pauvre France, Belle Marianne.

Que se disent Marie-Antoinette et Jeanne d’Arc là haut ? La première doit sûrement se dire que c’était prévisible. Elle si jeune, si rêveuse, si insouciante, qui a trouvé la mort elle aussi dans un pays autre que le sien, un pays que sa mère avait choisi pour elle.

J’essaye de relativiser tout. J’essaye de me dire que ce n’est pas si grave et que comme dit ma sœur, les médias sont juste plus présents. Et pourtant je trouve que c’est triste. Ces jeunes qui se font exploser de partout dans le monde, c’est triste. Ces jeunes et moins jeunes qui trouvent la mort dans des événements aussi tragiques qu’incompréhensibles, c’est triste.

Le mot terrorisme était bien choisi. La terreur est là, elle plane. On est tous un peu d’humeur morbide, l’attendant, car oui elle frappera bientôt, toujours plus près. Et en même temps, on veut se réveiller, être dans ce fameux endroit.

Vous savez, l’endroit dont Martin Luther et Nelson Mandela parlaient. On veut rejoindre Anne Frank et lui dire que l’histoire n’est pas terminée, qu’on attend la suite. On aimerait que le film italien « la vie est belle » ne soit qu’une fiction. On veut dire aux kidnappées de Chibok que c’est juste un cauchemar et que ça va aller. Oui, je voudrais dire à mon bébé que tout va aller bien dans ce monde. Je veux lui dire qu’on apprendra à vivre ENSEMBLE et que tout le monde sera heureux.

Je ne peux cependant pas la regarder droit dans les yeux, et lui mentir ainsi. La seule chose que je peux faire, c’est la bénir, traçant une croix sur son front.

Encore, cette histoire de religion. Encore et toujours.

De l’importance de se chercher.
De l’importance de se trouver.
De l’importance d’avoir une identité.

Quand on sait qui on est, comme moi, on arrive à avancer dans ce monde ni trop moche ni trop beau sans trop y laisser de plumes.

La vie c’est quoi ?

HD.

PS : Un petit malin au fond a répondu « la vie c’est la viande et le vin ». Qu’il sorte !