La limite des mots

Ecrire pour guérir, écrire pour communiquer ce qu’on ne peut dire, écrire pour tout.

Je suis de ceux qui pensent que l’écriture c’est l’une des meilleures  choses ici-bas, et qu’on arrive à tout, absolument tout, avec les bons mots, bien écrits.

Et pourtant je dois bien me rendre à l’évidence que c’est un leurre, un grossier leurre.

Dites-moi, grands écrivains, qu’est-ce que vous dites à un homme dont la femme a été violée ?

Qu’est-ce que vous dites à une fille, qui perd son unique frère, son protecteur sur Terre ?

Qu’est-ce que vous dites à une mère qui perd l’enfant sur qui elle avait tant d’espoir ?

Quand on vous enlève l’amour, le futur, l’espoir, la dignité, l’intégrité, qu’est-ce qui reste ? Ou du moins quel mot peut prétendre remplacer tout ça ?

Aucun, on est d’accord.

Eh bien quel triste exercice que de devoir tout de même poser des mots, parce qu’il faut bien signifier sa présence. Et ces mots sont finalement hypocrites parce que ce qu’on pense vraiment c’est :

"Franchement, Dieu a dérangé sur ce coup"

"S’il le laissait vivre plus longtemps ça aurait changé quoi à ses plans ?"

"Cette blessure ne se refermera jamais, quelque soit lambda."

"Ca craint."

"Il avait un avenir tellement prometteur."

"Pourquoi est-ce que ça lui arrive à elle qui a toujours été si gentille ?"

Vous voyez le genre de choses qu’on pense mais qu’on ne dira jamais... Les regrets, la douleur, la tristesse, ça passe, avec le temps, ou PAS.

Qu’est-ce que j’essayais de dire à travers ce billet ? J’essayais juste de montrer que les mots sont trop de fois vains, inutiles. Des fois on aimerait juste pouvoir poser la plume, froisser la page et l’envoyer dans la poubelle. Mais quelqu’un là haut s’arrange pour nous mettre dans des positions où on doit prendre cette plume et écrire, malgré tout.

Parce qu’aussi dur, injuste, violent que cela puisse paraître, tant qu’il reste de la vie quelque part, on doit aller de l’avant.